Créer au niveau national, européen et mondial les conditions de la transition

Sans réformes structurelles de l’économie, de la gouvernance et du droit, menées à l’échelle nationale, européenne et mondiale, l’action des territoires se heurte à un plafond de verre

Affirmer le rôle majeur des territoires ne signifie pas qu’ils peuvent, par leur mise en mouvement, révolutionner à eux seuls le monde. Nous croyons qu’il faut « penser localement », que c’est à partir du local que l’on peut le mieux comprendre les défis du monde, mais  aussi « agir globalement », transformer le cadre de notre économie, de notre société, de nos relations internationales, de notre droit.

L’Union européenne est l’échelle à laquelle avoir prise sur les transformations du monde

Au moment où la France prend la présidence du Conseil européen, propositions pour les Présidentielles et propositions pour l’Europe sont indissolublement liées . La France est une puissance moyenne. C’est entre les régions du monde que vont s’inventer les règles de gestion du monde de demain ; une Europe forte sera écoutée de la Chine et des Etats Unis, à condition de ne pas se replier frileusement en ne songeant qu’à protéger une population vieillissante L’Europe sera grande si elle apporte à sa population et au monde des réponses aux défis du vingt et unième siècle11. Elle a été le lieu d’invention de la modernité. A elle d’inventer un nouveau Siècle des lumières, conformément à sa vocation universaliste12. Seule région du monde où les Etats ont su renoncer pacifiquement à une partie de leur souveraineté au nom du bien commun, elle éclaire la voie d’une souveraineté partagée et d’une gouvernance à multi-niveaux à l’échelle mondiale. Par  contre elle cumule aujourd’hui trois faiblesses : son développement s’est fondé sur l’unification du marché, après l’échec en 1954 de la Communauté européenne de défense mais, en soixante ans, le marché  s’est  lui-même globalisé, faisant de l’Union européenne le ventre mou de cette globalisation et l’intégrisme du marché reste l’épine dorsale des politiques européennes ; le marché, la monnaie et les institutions communautaires n’ont pas suffi à faire naître un « peuple européen » conscient de partager un destin commun3; ; berceau de sociétés fondées sur le contrat social, donc sur l’équilibre entre droits et responsabilités de chaque acteur, elle a fondé aujourd’hui son système juridique commun presque exclusivement sur les droits humains, impuissants à eux seuls à construire la cohésion des communautés.

Croiser le champ des réformes et l’échelle à laquelle les engager

Les propositions qui suivent concernent les réformes à apporter au système économique et monétaire,  à la gouvernance et aux relations internationales. Elles sont à croiser avec les échelles à laquelle les engager, en général les trois échelles nationale, européenne et mondiale. 


Transformer le système économique et monétaire

 Ouvrir un vaste débat national et européen sur le passage de l’économie à l’œconomie

Depuis des années on invente des formules alambiquées pour décrire le futur modèle économique : « croissance verte », « développement durable », « agriculture raisonnée » etc...comme s’il suffisait d’accoler deux termes contradictoires pour que la contradiction s’évanouisse . C’est le propre  de la pensée magique. Pourquoi s’épuiser en périphrases alors que nous disposions jusqu’au dix huitième siècle d’un concept qui recouvrait précisément ce qu’il faut réinventer aujourd’hui : l’oeconomie. Formé des deux termes grecs « oikos », le foyer et par extension la communauté, et « nomos » les règles, l’oeconomie était l’art d’utiliser toutes nos connaissances et notre expérience pour assurer le bien être de tous les membres de la communauté dans le respect des limites de l’environnement. Depuis le rapport du club de Rome sur les limites de la croissance, en 1972  il est devenu évident que les dix neuvième et vingtième siècle, pendant lesquels les pays industrialisés pouvaient considérer  que les ressources de toute la planète, mobilisées à leur profit, étaient pratiquement inépuisables, constituaient une parenthèse dans l’histoire humaine. C’est donc bien d’un grand retour vers l’oeconomie, qu’il s’agit, en  mobilisant bien sûr  à son service toutes les ressources de la science, de la technique et de la créativité.

Depuis le dix-huitième siècle la « science économique » a prétendu s’autonomiser des autres sciences sociales mais c’est en fait une idéologie ; à preuve, la nature n’a pas changé en quelques siècles et les sciences de la nature ont connu plusieurs révolutions, tandis que la société et les systèmes de production se sont radicalement transformés sans susciter de remise en cause ds fondements de la « science économique ». Comme le symbolise « l’économie du donut » , l’activité humaine doit se situer au sein d’un anneau délimité par les exigences de bien être de tous d’un côté et par les limites de la planète de l’autre : économie, société et écologie sont inséparables, autre manière de parler de l’oeconomie.

Sur quelles bases concevoir l’oeconomie du vingt et unième siècle ? En reconnaissant  que ce n’est qu’un domaine particulier de la gouvernance, auquel doivent s’appliquer les principes fondamentaux de gouvernance . Cette œconomie sera, comme le reste de la gouvernance, à multi-niveaux : on sortira de l’intégrisme du marché unique pour combiner économie locale, nationale, européenne et mondiale. Ce sera le résultat de la combinaison de territoires durables et de filières durables, approche beaucoup plus riche de promesses qu’une illusoire « relocalisation » de notre industrie. Sur la base des principes fondamentaux de gouvernance un débat national associant tous les acteurs permettra de confronter les solutions proposées par les uns et les autres. La société se réappropriera ainsi des questions fondamentales abandonnées aujourd’hui aux « experts » d’une science économique incapable de se renouveler en profondeur.